FORREST MCDONALD: Turnaround Blues (2014)
Cet artiste a plongé dans le blues dès l’âge de sept ans et il ne s’en est jamais remis. En 1964 à New York, il rencontre Muddy Waters qui deviendra une de ses influences majeures. Après avoir traîné ses bottes dans pas mal d’endroits, il croise la route de Jimmy Johnson et fait une pause aux fameux studios Muscle Shoals (le solo sur « Old Time Rock n’ roll » de Bob Seger, c’est lui). Il jouera également pour Jimmy Reed et Bonnie Bramlett entre autres, ce qui ne l’empêchera pas de sortir une dizaine d’albums. Son dernier disque en date ressemble fort à une encyclopédie du Blues.
« Turnaround Blues » a quelques similitudes avec « Look At Little Sister » version Stevie Ray Vaughan et balance un bon solo tout en saturation et en feeling avec un refrain dans le style Chicago blues. « Checking On My Baby » est un blues funky avec un harmonica qui swingue et « Rivers Of Tears », un superbe slow bluesy avec un orgue aérien, servira à emballer les minettes sur la piste de danse. Retour à Chicago avec « Cross My Heart » et son solo de gratte efficace ainsi que des échanges malins entre l’harmonica et la guitare. Nous avons ensuite droit à une agréable surprise avec la ballade « I’m A Fool » qui nous emmène sur la route du Sud avec son solo mélodique à la Dickey Betts. Bien entendu, ma préférence va à ce titre. « V8 Ford », un long blues lent sert surtout de prétexte à des solos virtuoses de guitare, d’harmonica et d’orgue. Mais c’est aussi cela, le blues. Sur « Rock n’ roll Bye Bye », un black rock bluesy, Forrest nous envoie un solo impressionnant de retenue et d’efficacité et l’harmoniciste Jon Liebman se défonce bien. A noter, les syncopes de guitare comme dans les années cinquante.
La montée d’accords du refrain de « Only Love » rappelle celle de « Stormy Monday » et la guitare place ses phrasés « à l’économie », ce qui la rend encore plus pertinente. Tout le talent de Forrest McDonald éclate au grand jour sur « Woman Across The Ocean » avec sa gratte babillarde tant sur le solo que sur les espaces entre les parties vocales. Sa six cordes reste bien swinguante sur « Funny Thing Baby », un rock n’ roll échappé de la fin des années quarante. « Now I Know » est un blues lent, un peu dans le style de « Texas Flood » de Stevie Ray, avec une guitare inspirée, tout en finesse, alternant longs tirés en feeling et avalanches de notes. « Stay Or Walk Away » semble encore d’inspiration sudiste et Forrest se fend d’un solo avec effet vibrato. « Mama, I’m Afraid To Say Goodbye » de Lynyrd Skynyrd me vient aussitôt à l’esprit. Encore une bonne surprise. L’album se termine sur deux courts instrumentaux avec seulement une guitare et une nappe de claviers. « Two For The Money Part 1 » rappelle le « Sunset » de Gary Moore à la grande époque et témoigne du talent et de la technique de Forrest. Impressionnant ! « Two For The Money Part 2 » utilise la même recette, cette fois avec une guitare plus hard et plus agressive, mais fait moins d’effet en raison de la redite.
A l’écoute de cette galette, une remarque s’impose : Forrest sait mettre son instrument en retrait et chacune de ses interventions en solo, en phrasé ou en rythmique s’adapte parfaitement bien à la structure des morceaux. Sa guitare n’est pas prédominante mais complémentaire au sein d’un ensemble et sait se faire tour à tour discrète, présente ou virtuose.
Forrest McDonald nous propose donc un album qui décline tous les tempos et tous les styles du blues avec, en bonus, deux excellents titres d’inspiration sudiste et un superbe instrumental. Que demander de plus ?
Olivier Aubry